Le gouvernement des 
	juges : nous y sommes ! 
	 
	Nous observons en ce moment une prolifération de décisions des juridictions 
	dans les domaines régaliens qui deviennent un obstacle réel à la conduite 
	des politiques. Bien sûr ce phénomène n’a rien de bien nouveau mais il 
	s’accélère depuis quelques années à un rythme vertigineux.
	Un double mouvement est ainsi à l’œuvre : d’une part l’empilement de lois 
	européennes, de règlements et de directives, qui échappe au contrôle des 
	autorités nationales, les décisions étant prises à la majorité qualifiée et 
	en « codécision » avec le Parlement européen ; d’autre part des 
	juridictions, européennes et française, Cour de justice européenne, Cour 
	européenne des droits de l’homme, Conseil constitutionnel, Cour de 
	cassation, Conseil d’Etat qui s’appuient sur ces textes, sur ces normes pour 
	développer des jurisprudences dont l’effet est d’entraver l’action des 
	pouvoirs publics. 
	 
	Quelques exemples récents soulignent cette boulimie normative, procédurière 
	et jurisprudentielle, à l’impact dévastateur pour l’autorité de l’Etat: 
	 
	- S’appuyant directement sur « la directive retour de 2008 », le Conseil 
	d’Etat vient de rendre un avis le 21 mars 2011 qui, de facto, bloque en 
	grande partie les reconduites à la frontière des migrants en situation 
	illégale, jusqu’à la promulgation d’une future loi en débat au Parlement. 
	 
	- Un avis de la Cour de Justice de l’Union européenne du 22 juin 2010 limite 
	fortement, en vertu du système Schengen et de la libre circulation, la 
	possibilité d’opérer des contrôles frontaliers dans une bande de 20 
	kilomètres pour lutter contre l’immigration illégale. 
	 
	- La Cour européenne des droits de l’homme, par un arrêt du 23 septembre 
	2010 (Boussara), interdit à l’administration d’expulser un étranger condamné 
	à 5 ans de prison pour trafic de stupéfiants, l’oblige à le régulariser au 
	nom du droit au respect de la vie privée et familiale. 
	 
	- L’article 32 du code communautaire des visas (règlement du 13 juillet 
	2009) force l’administration, à compter du 5 avril 2011, à motiver, 
	justifier tout refus d’accorder des visas de court séjour (2 millions par 
	an) ce qui ouvre la voie à une explosion du contentieux. 
	 
	- Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 7 avril 2010 (Jabnoun), oblige 
	l’administration à régulariser un étranger malade, en situation irrégulière, 
	s’il n’a pas personnellement les moyens d’être soigné dans son pays 
	d’origine, par exemple par une couverture sociale. 
	 
	- La Cour européenne des droits de l’homme s’apprête sans doute à remettre 
	en cause la « procédure prioritaire » qui permet de traiter en quelques 
	jours les demandes d’asiles abusives, rendant alors notre système d’asile 
	ingérable. 
	 
	-On pourrait aussi parler de la réforme de la garde à vue, imposée par la 
	Cour européenne des droits de l’homme et par le Conseil constitutionnel, 
	rendant obligatoire la présence de l’avocat dès le début, et qui préoccupe 
	beaucoup les policiers quant à l’efficacité des enquêtes. 
	 
	La seule chose qui est nouvelle, encore une fois, c’est l’accélération 
	stupéfiante de ce phénomène en quelques mois, quelques années. Il correspond 
	sans doute à une tendance globale, la judiciarisation des sociétés sur le 
	modèle américain. Il contribue à affaiblir le politique. L’Etat de droit 
	semble s’emballer, devenir comme fou, au détriment de l’autorité politique, 
	contre le pouvoir du peuple et celui de ses représentants élus, contre la 
	démocratie. Il a sans doute aussi des explications idéologiques : les 
	instances européennes, les juridictions suprêmes font partie de ces élites 
	sous l’emprise de la pensée unique sur la sécurité et l’immigration, qui 
	privilégient les droits formels des individus sur l’intérêt général ou celui 
	des personnes dans leur vie quotidienne. Pour reprendre une expression 
	banale mais juste : trop de droit finit par tuer le droit. 
	 
	Nous luttons contre cette tendance, avec acharnement, point par point, sans 
	relâche, mais à contre-courant … On ne pourra vraiment sortir de ce 
	mécanisme que par une logique de recours au référendum, le jour où les 
	conditions politiques le permettront sans risque de confusion entre la 
	question posée et un vote de protestation. Face à une décision émanant 
	directement du peuple, on peut supposer que les hautes juridictions 
	choisiront de se soumettre, sauf à abolir ouvertement la démocratie. 
	 
	Pardon à mes lecteurs pour la complexité de ce texte, j’imagine qu’il est 
	incompréhensible pour des personnes non familières du jargon juridique. 
	C’est une éternelle question : comment expliquer en termes simples, non 
	technocratiques et en quelques mots des sujets d’une complexité inouïe mais 
	vitaux pour notre vie collective. 
	 
	Maxime Tandonnet 
	 
	 
	 
	 
	
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