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    14/2/11 | Maxime Tandonnet | 
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	        Afrique : la 
	barbarie des bons sentiments ! Comme le dit Nietzsche, « il y a une exubérance de la bonté qui a toute l’apparence de la méchanceté. » Les bons sentiments affichés, exacerbés, exhibés, sont bien souvent le masque d’un authentique cynisme, voire d’une sorte de racisme inconscient. Bien souvent, au nom de la bonne conscience, des valeurs humanistes, généreuses et ouvertes, d’une planète sans frontière vouée au brassage de l’humanité, certains responsables associatifs, avec la bénédiction de nombres d’experts et intellectuels, se permettent en Afrique, à l’égard de l’Afrique, des comportements qu’il ne leur viendrait jamais à l’esprit vis-à-vis de tout autre continent. Qui ne se souvient de la sinistre affaire de l’Arche de Zoé ? En 
	septembre 2007, cette organisation dite humanitaire monte une opération de 
	transfert en France d’une centaine d’enfants dits « orphelins du Darfour » 
	et met en scène un hôpital de fortune en maquillant les enfants pour les 
	présenter aux médias comme blessés. Or, ces enfants n’étaient pas des 
	orphelins du Darfour mais de jeunes Tchadiens pris à leurs parents et promis 
	à des familles d’adoption en France. Que peut on imaginer de plus abominable 
	que cette idée de retirer des enfants à leurs parents pour les céder, 
	moyennant finances, – il n’y a pas d’autre mot – à des familles européennes, 
	elles aussi dupées dans leurs espoirs d’adoption. En gros, pour les belles 
	âmes, en Afrique, parce que c’est l’Afrique, tout est possible, tout est 
	permis ! Voilà comment certains bons sentiments hypocrites peuvent se 
	transformer en barbarie, comme si parfois, les bons sentiments hypocrites et 
	la barbarie n’étaient que les deux faces de la même pièce. « Son histoire pourrait commencer comme un contre de fée. Un visage 
	d’ange dans un corps de flamme. Accent abidjanais et toute l’allure d’une 
	jeune femme débarquée de Côte d’Ivoire. Elle avait tout pour décrocher les 
	étoiles, mais son destin l’a conduite vers des sentiers ténébreux. Décédée 
	sur un trottoir parisien après avoir été poignardée par son proxénète. Elle 
	était ce que l’on appelle communément une pute, de surcroît sans papiers. 
	Contrainte de casser les prix et d’accepter les caprices les plus malsains 
	pour rapporter la somme quotidienne exigée par son souteneur. Cette 
	Africaine-là portait bien un nom. Ses parents l’avaient prénommée Adèle 
	» (Olivier Enego – Les filières africaines de la prostitution – Editions 
	Ccinia communication, 2007). Officiellement aboli, l’esclavagisme est bel et 
	bien une réalité du XXIème siècle. Le continent africain a perdu au moins un tiers de ses diplômés de l’enseignement supérieur, ingénieurs, informaticiens, créateurs, et le mouvement a tendance à s’accélérer et à s’amplifier chaque année. Les professions médicales sont parmi les plus touchées par l’exode des cerveaux. Alors que l’Afrique est ravagée par le paludisme et l’épidémie de SIDA, la moitié environ des médecins qui y ont été formés aurait émigré. Les deux tiers des médecins éthiopiens, béninois, ghanéens, zambiens exercent en dehors de leur pays. D’après un rapport de l’OMS publié en avril 2006, « l’Afrique supporte 24% du fardeau mondial des maladies et ne possède désormais plus que 3% du personnel sanitaire ». Une logique infernale est à l’œuvre. Les meilleurs des pays les plus pauvres du monde partent, les plus dynamiques, les mieux formés. Leur fuite condamne les pays d’origine à l’aggravation de la misère, au conservatisme, à l’immobilisme et à la désespérance. Une phrase, prononcée par une intellectuelle française spécialiste de l’immigration, résume l’état d’esprit des élites européennes face à cette réalité: « Ce n’est pas parce qu’on est né dans un pays pauvre et dictatorial qu’on est assigné à y rester à vie ! Au fond, l’enjeu, c’est le droit fondamental des hommes à la mobilité. » (La Croix, 17 juin 2007). Au fond, pour les bonnes consciences européennes, les pays les plus 
	misérables sont tellement sinistrés que leurs universitaires, médecins, 
	ingénieurs, n’ont plus qu’à en partir. Le raisonnement repose sur trois 
	principes : la suprématie de l’individu sur toute autre considération ; 
	l’incapacité des forces vives de ces pays à les entraîner dans la voie de la 
	modernité ce qui est une forme de mépris; l’indifférence suprême quant au 
	sort de ceux qui restent. Cette vision, si actuelle, si prégnante, selon 
	laquelle la jeunesse, l’intelligence et l’initiative, seraient davantage à 
	leur place en Europe ou en Amérique qu’en Afrique, ne relève-t-elle pas, au 
	fond, chez les bien-pensants du monde occidental, de l’ethnocentrisme le 
	plus obscur ? 
 
	 
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