Quand la classe parlante se déchire sur 
                             
	le Front national !Le 25 mars 2011, au cours du Grand 
	Journal, l’émission en clair de Canal +, Jean-Michel Aphatie a subi un 
	véritable assaut de la part des autres journalistes participant à 
	l’émission, Ali Baddou(Canal+), Christophe Barbier (L’Express), 
	Renaud Dély(France Inter) et Nathalie Schuck (Le Parisien), 
	sur la question de savoir si le Front national est « un parti comme les 
	autres ». Nous publions la transcription de ces échanges, qu’a réalisée le 
	site Enquête&Débat. Certains observateurs rendent Nicolas Sarkozy 
	responsable de la montée du Front national en raison des débats que la 
	majorité présidentielle a initiés sur l’identité nationale, la laïcité et 
	l’islam. Ils devraient surtout se pencher sur la responsabilité de la classe 
	parlante qui, plutôt que de dénier au Front national la qualité de « parti 
	comme les autres », ferait mieux de s’interroger sur le fait qu’aucun des 
	problèmes majeurs de la France n’a jamais été vraiment traité par les 
	gouvernements successifs ni honnêtement exposé par les médias. Ils y 
	verraient – mais sont-ils assez lucides pour cela ? – la véritable 
	explication des progrès du parti aujourd’hui dirigé par Marine Le Pen. 
	 
                                                             
	*** 
	 
	Michel Denisot : Gérard Carreyrou dans France Soir aujourd’hui 
	dit que le Front national est devenu un parti comme les autres. Est-ce que 
	vous êtes d’accord ? 
	 
	Christophe Barbier : Non, le Front national n’est pas un parti comme 
	les autres. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : En quoi il ne l’est pas ? 
	 
	Christophe Barbier : De par son programme… Par exemple moi je considère 
	qu’il y a dans le programme du Front national des propositions qui sont 
	contraires à nos valeurs républicaines. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Lesquelles ? 
	 
	Christophe Barbier : Le rétablissement de la peine de mort pour les 
	trafiquants de drogue, c’est contraire à nos valeurs. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : C’est dans le débat ! 
	 
	Christophe Barbier : Non ! 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Qu’est-ce qui était contraire aux valeurs ? 
	 
	Renaud Dély : La préférence nationale… 
	 
	Jean-Michel Aphatie : C’est la seule… 
	 
	Renaud Dély : C’est pas n’importe quoi, la préférence nationale. 
	C’est la colonne vertébrale du programme du Front national. 
	 
	Christophe Barbier : Ça veut dire que si le Front national avait le 
	pouvoir, il devrait mettre en train des référendums, des lois, aller contre 
	nos traités internationaux, sortir de l’Europe, enfin ça n’est pas un parti 
	comme les autres. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Mais tout ça c’est dans le débat. 
	 
	Ali Baddou : Non, ce n’est pas dans le débat. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Comment ça, c’est pas dans le débat ? 
	 
	Ali Baddou : Ce n’est pas la République. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Pour ou contre l’euro, c’est pas dans le débat 
	? 
	 
	Christophe Barbier : Oui, ça c’est dans le débat ! 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Eh ben alors ? 
	 
	Christophe Barbier : Mais le rétablissement de la peine de mort c’est 
	sorti du débat depuis 1981. 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Mais oui, mais ça peut y revenir. 
	 
	Christophe Barbier : Non ! 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Il n’y a pas d’interdit ! 
	 
	Christophe Barbier : Si, il y a un interdit ! 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Non, il n’y a pas d’interdit… 
	 
	Nathalie Schuck : Est-ce qu’on peut considérer que le Front national 
	a un programme qui est crédible, qui est financé ? La réponse est non. 
	Contrairement à l’UMP et au PS, elle n’a pas de programme qui est encore 
	structuré. Elle le dit elle-même d’ailleurs : elle prétend travailler avec 
	des experts économiques d’ailleurs qu’on ne connaît pas. Aujourd’hui, on ne 
	connaît pas le financement du programme du Front national, il coûte 
	extrêmement cher quand on regarde les premières mesures. Est-ce qu’on peut 
	considérer que c’est un programme crédible ? 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Mais tout ça c’est autre chose. Ce qui faisait 
	que le Front national n’était pas un parti comme les autres, c’était 
	l’antisémitisme de son fondateur, et c’était la relation à l’OAS, à 
	l’histoire… Marine Le Pen est en train de blanchir tout ça. Ensuite elle 
	peut faire des propositions qui choquent : par exemple la peine de mort, ça 
	peut choquer, ou d’autres propositions. 
	 
	Christophe Barbier : Il reste des propositions qui sont 
	inacceptables… 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Mais c’est un parti qui est en train de 
	rentrer… 
	 
	Christophe Barbier : Ah, il est en train ! 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Et regardez, la preuve par Claude Guéant !  
	 
	Renaud Dély : Je ne suis pas d’accord sur un point qui est essentiel. 
	Évidemment, l’antisémitisme qui était celui, et qui est toujours celui de 
	son père est important, etc., ce qu’on appelé les fameux dérapages qui sont 
	consubstantiels à l’identité de l’extrême-droite. Mais sur le fond, le 
	programme du Front, ce fameux principe discriminatoire qu’est la préférence 
	nationale, qui consiste à réserver aux seuls nationaux emploi, logements 
	sociaux, aides sociales, logement, etc., c’est un principe qui est 
	antirépublicain parce qu’il vise à opposer les communautés les unes aux 
	autres. Ça ne veut pas dire du tout, il y a quelque chose de très pervers 
	aujourd’hui… 
	 
	Jean-Michel Aphatie : Je vous signalerai que quand on fait les 
	accords de Nouméa en 1988, on fait une préférence d’emploi pour les cadres. 
	 
	Renaud Dély : La preuve en est que c’est illégal et 
	anticonstitutionnel, c’est que lorsque les époux Mégret ont voulu mettre en 
	application le même type de mesure à Vitrolles, ils ont été cassés par les 
	tribunaux. 
	 
	Christophe Barbier : Marine Le Pen rapproche son parti du cercle de 
	la République, d’où d’ailleurs le magnétisme qu’il peut y avoir entre la 
	droite classique et cette droite-là, mais elle n’a pas encore fait tout ce 
	chemin qui consiste, éventuellement dans l’histoire pour certains partis, à 
	se normaliser complètement. 
	 
	Nathalie Schuck : Si on se pose cette question, c’est justement aussi 
	parce que l’UMP est en train de blanchir un peu le discours du Front 
	national, notamment Claude Guéant.  
	
	 
	
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