Il ne faut plus compter sur 
	une forte reprise 
                                    
	mondiale ! 
	 
	Les bourses se sont affolées sous l’avalanche des mauvaises nouvelles de la 
	semaine qui vient de s’écouler en provenance des ÉTATS-UNIS : 125 000 
	destructions nettes d’emplois en juin (les économistes en prévoyaient 110 
	000). C’est la plus forte destruction depuis octobre 2009. Si, 
	paradoxalement, le chômage est passé de 9,7% en mai à 9,5% en juin (son plus 
	bas niveau depuis juillet 2009), c’est qu’un grand nombre de gens ont 
	renoncé à chercher un emploi, par découragement. 
	 
	Autre mauvaise nouvelle : l’indice ISM manufacturier des États-Unis est 
	tombé à 56,2 en juin contre 59,7 en mai. Les analystes attendaient une 
	baisse plus modeste, à 59. Ces 56,2 points représentent son niveau le plus 
	bas depuis décembre. En mai, les ventes de maisons neuves ont chuté de 33% à 
	cause de l’arrivée à terme du programme de subventions aux primo-accédants. 
	Le stock des maisons à vendre résultant des faillites personnelles atteint 
	16 fois le volume actuel des ventes mensuelles. La crise immobilière fait 
	rage… Et de plus en plus de chômeurs, voyant diminuer leurs allocations 
	chômage, en sont réduits à essayer de revendre leur sacro-sainte voiture ! 
	 
	Il n’est pas étonnant que la confiance des consommateurs américains ait 
	brusquement chuté : selon le Conference Board, cet indice est passé 
	de 62,7 en mai à 52,9 en juin, après trois mois de hausse consécutive. La 
	fête est finie… 
	 
	Aux États-Unis, les effets des plans de relance s’estompent. Le Bureau des 
	statistiques américain a révisé le chiffre du PIB sur les trois premiers 
	mois de 2010, l’abaissant de 3% à 2,7%. La reconstitution des stocks des 
	entreprises représente 1,9 point sur ces 2,7%. Durant la phase aiguë de la 
	crise, les sociétés américaines ont vécu sur leurs stocks jusqu’à 
	liquidation totale. Ces derniers mois, elles les ont donc reconstitués, 
	amplifiant ainsi le rebond de la croissance. Mais ce cycle de restockage se 
	termine : encore un stimulus qui disparaît… Le Bureau des statistiques a 
	aussi réévalué à la baisse les dépenses de consommation, de 3,5% à 3%. Il 
	reste une bonne nouvelle quand même : les investissements ont augmenté de 
	11% au premier trimestre 2010. 
	 
	La croissance du second semestre sera moins forte aux États-Unis. D’autant 
	que les plans de rigueur européens freineront leurs exportations. Le moteur 
	américain de la reprise mondiale toussote. « Les scénarios noirs se 
	rapprochent », comme dit Vincent Bénard dans son excellent blog. 
	 
	L’EUROPE non plus n’a pas le moral. En mai, selon les indicateurs 
	publiés le 31 mai par la Commission européenne, l’indicateur de sentiment 
	économique a baissé d’un peu moins de deux points dans l’UE (100 contre 
	101,9) et de 2,2 points (98,4 contre 100,6). On est loin du plus bas de 68 
	points de mars 2009, mais ça marque un retournement de tendance. L’indice de 
	confiance des consommateurs a baissé de trois points dans l’UE et dans la 
	zone euro. La température redescend…
	La dette publique oblitère de nombreux pays européens. La France et la 
	Grande-Bretagne sont dans le collimateur des agences de notation. Mais il ne 
	faut pas oublier la dette privée. Elle est particulièrement préoccupante en 
	Espagne : l’endettement du secteur privé y est le plus élevé de tous les 
	pays de la zone euro à l’exception de l’Irlande. En pourcentage du PIB, 
	l’endettement du secteur privé non financier représente 220%, et 
	l’endettement du secteur privé (des ménages) 317%. « Cet excès de dette 
	privée doit être résorbé et les autorités publiques n’arrangent pas la 
	situation en appliquant une politique d’austérité. Cette politique aggrave 
	au contraire la déflation par la dette en Espagne », explique Laurent 
	Berrebi, directeur de l’analyse économique au sein de Groupama AM. 
	 
	L’Allemagne, elle, va bien. Le nombre de chômeurs a reculé, en juin, pour le 
	douzième mois d’affilée : il s’élève à 3,23 millions en données corrigées 
	des variations saisonnières, 7,7% de la population active. Ce résultat est 
	dû principalement à la reprise du commerce mondial et la baisse 
	significative de l’euro, qui dopent les exportations. Mais, comme dirait le 
	Docteur Knock, dans la pièce de Jules Romains, « la bonne santé est un 
	état précaire qui ne laisse rien présager de bon. » Nombre de 
	conjoncturistes sont pessimistes : la croissance devrait ralentir dès le 
	deuxième semestre 2010 et retomber à quelque 1,5 % l’an prochain à cause de 
	plans de rigueur dans de nombreux pays européens. La demande 
	extra-européenne augmente. Mais 70% des exportations allemandes restent 
	orientée vers l’Europe au sens large, et 43 % vers la zone euro. Les pays 
	grands exportateur, comme la Chine ou l’Allemagne, ne peuvent que subir le 
	contrecoup, à plus ou moins long terme, d’un ralentissement mondial. 
	 
	La CHINE, justement, donne matière à inquiétude. Le Conference 
	Board a revu à la baisse son indice précurseur d’augmentation du PIB de 
	la Chine pour le mois de mai : au lieu de grimper à 1,7% comme annoncé le 15 
	juin dernier (c’eût été la plus forte hausse depuis février 2009), cet 
	indice n’a augmenté que de 0,3%, le score le plus faible depuis novembre 
	2009. Le Conference Board avait mal interprété le chiffre des mises 
	en chantier en Chine. Le précédent indice, publié le 17 mai, faisait état, 
	de façon également erronée, d’une hausse séquentielle de 1,5% du PIB pour le 
	mois de mars. La croissance du secteur manufacturier chinois a ralenti en 
	juin. 
	 
	Et la confiance des investisseurs chinois a fléchi devant le manque de 
	vigueur de la reprise mondiale : l’indice PMI officiel (celui des directeurs 
	d’achat) est passé de 53,9 en mai à 52,1 en juin. C’est le plus bas depuis 
	février. Il a déçu les attentes (53,1 en moyenne) de 10 analystes interrogés 
	par Reuters. 
	 
	Le moteur chinois de la croissance mondiale accuse une baisse de régime. 
	C’est une douche froide… Ce ralentissement est dû au sérieux coup de frein 
	donné par Pékin à la croissance de l’industrie du crédit pour freiner 
	l’expansion de la bulle immobilière. Les prix de l’immobilier ont diminué de 
	ci-de là mais le gouvernement estime qu’il est encore trop tôt pour mettre 
	fin à cette politique. À ce facteur de ralentissement de la croissance 
	chinoise s’ajoute l’essoufflement général de la reprise, qui freinera les 
	exportations… En outre, le climat social s’alourdit : des grèves pour 
	obtenir des augmentations de salaires se sont multipliées chez Honda, 
	Toyota, Mitsumi Electric… De quoi augmenter les coûts de production chinois 
	et dissuader Pékin de réévaluer significativement le yuan. 
	Stabilisation en douceur ou atterrissage brutal en vue ? Il ne faudrait pas 
	que l’indice PMI officiel continue à descendre : le niveau 50 de cet indice 
	marque la frontière entre croissance et contraction… Toujours est-il que la 
	croissance de 11,9% en rythme annuel du premier trimestre va forcément 
	faiblir au second semestre. 
	 
	Ce contexte éclaire la polémique qui enfle de jour en jour entre la Chine et 
	les investisseurs étrangers sur son sol : les Occidentaux accusent la Chine 
	d’entraver de plus en plus les efforts des entreprises étrangères. « Je 
	suis vraiment inquiet, je ne suis pas certain qu’au bout du compte ils 
	veuillent que nous y réussissions », s’est récemment plaint le patron de 
	Général Electric devant un parterre d’hommes d’affaires italiens. Un rapport 
	de la chambre de commerce européenne à Pékin reproche à la Chine de 
	multiplier les mesures discriminatoires, dénonçant « une application 
	discrétionnaire des lois et règlements, tandis que les processus 
	d’enregistrement, les questions de droits de propriété intellectuelle et des 
	incohérences dans l’application locale de critères nationaux continuent 
	d’être des sujets de frustration ». 
	 
	Le JAPON, deuxième économie mondiale, n’en finit pas de se traîner, 
	comme en témoigne une série de mauvais indicateurs économiques en mai : la 
	production industrielle a reculé de 0,1% et les livraisons des entreprises 
	ont diminué de 1,7%, leur plus forte baisse depuis plus d’un an. La 
	production industrielle japonaise aura augmenté de 1,9% au deuxième 
	trimestre, prévoit le gouvernement. Ce serait un net ralentissement par 
	rapport à la croissance de 7% du premier trimestre, la plus forte depuis 
	1953. Selon le gouvernement, le taux de chômage est passé de 5,1% en avril à 
	5,2% en mai, avec 3,47 millions de chômeurs. La consommation moyenne d’un 
	ménage au Japon a baissé plus que prévu de 0,7% en mai sur un an. En ce 
	deuxième mois consécutif de repli, les achats d’électroménager et 
	d’ameublement, l’un des principaux moteurs de la consommation qui étaient 
	dopés par des aides gouvernementales, ont reculé de 9,3% sur un an. 
	 
	La vertigineuse dette publique japonaise complique la donne : elle atteint 
	le double du produit intérieur brut, faisant du Japon est le pays le plus 
	endetté au monde. Le 11 juin dernier, le nouveau Premier ministre japonais, 
	Naoto Kan, a prévenu que, si le pays ne parvenait pas à maîtriser sa dette, 
	il risquait de ne pas être en capacité de l’honorer. 
	Certes, cette dette est détenue à plus de 93% par les investisseurs 
	japonais, notamment la Banque de la Poste du Japon. Mais ce grand pays 
	chemine depuis longtemps sur « la longue route de la déflation ». Les 
	mauvaises nouvelles qui tombent détournent encore plus les Japonais de la 
	consommation, ce qui aggrave la déflation. Il en résulte moins de rentrées 
	d’impôts et un surcroît de dépenses de relance de l’économie de nature à 
	alourdir la pression fiscale, laquelle pèse à son tour sur la demande et 
	renforce la déflation en un cercle vicieux. Ce scénario déflationniste 
	pourrait concerner bien d’autres pays… 
	 
	Ainsi, la courbe de la reprise mondiale semble faire son arrondi avant de 
	retomber franchement. Sera-ce une évolution en double creux (W) c’est-à-dire 
	une rechute suivie d’une remontée ? Ou bien la reprise qui semble prendre 
	fin n’est-elle pas une vague de correction haussière dans un trend baissier 
	? Auquel cas, l’on va vers une crise économique gravissime. Car cette vague 
	de correction haussière aura été de faible intensité. Elle aura montré la 
	faiblesse des capacités de rebond de l’économie mondiale, due à 
	l’accumulation de déséquilibres structurels devenus mortels. Elle aura signé 
	l’échec des plans de relance fondés sur une création monétaire débridée. Les 
	plans de sauvetage des grandes banques n’ont pas écarté le danger d’une 
	nouvelle crise bancaire à grande échelle. Les bulles immobilières n’ont pas 
	fini d’exploser. Des cracks obligataires en série se profilent. 
	 
	Inflation ou déflation ? Il est à noter que des symptômes déflationnistes se 
	profilent. Le Japon est en déflation depuis longtemps. L’Espagne est menacée 
	d’y entrer. L’affaissement de la consommation produira des effets 
	déflationnistes en d’autres pays. La déflation devrait dominer le devant de 
	la scène assez longtemps avant de céder la place à l’hyper-inflation. 
	 
	Laurent Artur du Plessis  
	 
	
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