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	 Déficits : nous sommes dans l’infiniment 
	grand ! 
	Archimède, le savant de l'Antiquité, avait développé une théorie des 
	grands nombres en comptant les grains de sable que pouvait contenir 
	l'Univers. Il avait même inventé un nom pour désigner le plus grand chiffre 
	qui se puisse concevoir, la "myriade de myriades". Un Archimède des temps 
	modernes trouverait matière à éprouver le vertige de l'infiniment grand en 
	consultant les documents budgétaires présentés hier par Christine Lagarde et 
	Eric Woerth.  
	 
	Dans le budget français pour 2010, le déficit public total atteint quelque 
	170 milliards d'euros. Un record, évidemment, en termes absolus, mais aussi 
	relatifs : l'impasse de l'année prochaine représente 8,5% de la production 
	nationale, une proportion sans précédent. Si 1 euro équivaut à 1 seconde, le 
	déficit français pour la seule année prochaine représente 5.200 ans. 
	C'est-à-dire plus de temps qu'il n'en faut pour aller serrer la main 
	d'Archimède, mort en 212 avant Jésus-Christ, et revenir chez nous baiser 
	celle de madame la ministre de l'Economie.  
	 
	Il s'agit d'un "déficit de crise", nous dit le gouvernement. Ce n'est pas 
	faux. On aurait pu aussi le baptiser "différentiel regrettable et momentané 
	entre les recettes et les dépenses" ou bien "ce n'est pas ma faute". Quel 
	que soit l'emballage, il faudra l'acquitter avec du bon vieil argent pesé au 
	trébuchet, c'est-à-dire emprunter davantage sur les marchés financiers. Sur 
	la seule année 2010, la dette va augmenter de 3.000 euros par Français.  
	 
	Tous nos voisins sont dans le même cas, dit-on encore à Bercy. Les chiffres 
	sont pourtant cruels : la situation budgétaire s'est davantage dégradée en 
	France qu'en Allemagne et en Italie. De surcroît, nous partions, en 2007, 
	d'une situation plus détériorée que celle de nos partenaires, notamment à 
	cause des cadeaux fiscaux, puisque la tradition française est désormais de 
	jeter l'argent par les fenêtres avant l'élection pour tenter de séduire 
	l'électeur - les mesures Villepin - et après, pour le remercier d'avoir cru 
	aux promesses intenables - le "paquet " Sarkozy. 
	 
	Pour compléter ce tableau, il faudrait mentionner que deux esprits éminents 
	travaillent à plomber encore davantage les comptes de la nation, Alain Juppé 
	et Michel Rocard, avec le futur "grand emprunt". Il faudrait ajouter enfin 
	que 2011 et 2012 seront des années préélectorales, qui s'accommoderont mal 
	de la rigueur. Contrairement à Archimède, nous n'avons pas fermé le robinet 
	de la baignoire, et elle menace de déborder.  
	François Lenglet 
	 
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