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	 Emprunt : la fabrique à éléphants blancs
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	C'est un deuxième plan de relance, massif, que prépare le nouveau 
	gouvernement avec l'emprunt national. Plusieurs dizaines de milliards 
	d'euros vont être affectées aux "dépenses d'avenir", après une concertation 
	destinée à identifier les priorités du pays.  
	 
	Passons sur la mort définitive de Maastricht. Il n'y a plus aucun espoir de 
	retrouver des finances publiques saines avant longtemps, en partie à cause 
	de la crise. Et ce nouvel emprunt ne fait jamais que charger une barque qui 
	était déjà à fleur d'eau.  
	 
	Reste la question à 50 milliards : qu'est-ce qu'une dépense d'avenir ? 
	S'agit-il de construire de nouvelles prisons, comme le voudrait le 
	secrétaire d'Etat Bockel ? De payer des indemnités de reconversion aux 
	licenciés économiques, ainsi que l'a indiqué Henri Guaino, le conseiller du 
	président ? Et pourquoi pas rénover les stades, afin de faire à notre 
	jeunesse des mollets d'avenir ? Ou encore désherber les chemins de campagne 
	?  
	 
	L'avenir a deux avantages : quand on le maltraite, il ne se défend pas. Et 
	quand il se transforme en présent, ceux qui l'ont hypothéqué ne sont plus 
	là. Faire parler les enfants à naître est encore plus facile que faire 
	parler les morts, car on n'a même pas besoin de tables qui tournent. Que le 
	lecteur pardonne cette incongruité, alors que la planète entière vomit 
	désormais le libéralisme et ses abominations : l'Etat n'est pas plus 
	clairvoyant que le secteur privé lorsqu'il s'agit d'investir sur le long 
	terme.  
	 
	Pour un programme nucléaire développé avec succès par la puissance publique, 
	il y a dix exemples de ratages coûteux, du plan câble à Iter, en passant par 
	le catastrophique "Informatique pour tous" de Laurent Fabius, qui s'appuyait 
	sur un micro-ordinateur français destiné à conquérir la planète, le TO7 de 
	Thomson : la politique industrielle est un interminable cimetière 
	d'éléphants blancs. Qui peut établir avec certitude que les nanotechnologies 
	sont plus fécondes pour la croissance que la baignoire inclinable motorisée, 
	sinon le marché ?  
	 
	Certes, les choix de l'Etat ne sont pas déterminés par le souci de la 
	rentabilité. Mais c'est justement le problème. Et ils ne sont pas pour 
	autant affranchis du court terme, car ils souffrent d'un autre biais, bien 
	plus dangereux pour le contribuable, le calcul politique. Améliorer les 
	chances de réélection de Nicolas Sarkozy en 2012, par exemple.  
	François Lenglet   |