Il faut en finir avec 
	les gardes à vue abusives ! 
	 
	Notre pays est gagné chaque jour par le vertige de l’arbitraire. Trois 
	affaires récentes illustrent ce que des milliers de citoyens vivent chaque 
	jour, en totale contradiction avec les principes dont nous sommes si fiers, 
	proclamés en 1789, puis en 1948 avec la Déclaration universelle des droits 
	de l’homme, dont un Français fut le rédacteur, et enfin avec la Déclaration 
	européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1949, qui a institué la 
	Cour européenne des droits de l’homme, dont symboliquement, le siège est 
	fixé en France ! 
	 
	Je dénonce une nouvelle fois avec fermeté le scandale de la garde à vue 
	telle qu’elle est pratiquée dans notre pays. Un officier de police 
	judiciaire ne peut en effet placer une personne en garde à vue que si les 
	nécessités de l’enquête l’imposent, et à la condition qu’il existe contre 
	elle une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou 
	tenté de commettre une infraction.
	C’est une mesure privative de liberté (et donc excessivement grave) prise 
	avant tout jugement à l’encontre d’une personne qui, par définition, est 
	présumée innocente. Elle doit donc être encadrée strictement pour ne pas 
	dégénérer en abus. Or aujourd’hui c’est l’abus qui est la règle, et le 
	contrôle inexistant. 
	 
	Au surplus, le gardé à vue n’a pas droit à l’assistance d’un avocat. Il peut 
	simplement demander à s’entretenir avec un avocat dès le début de la garde à 
	vue sans avoir communication du dossier et pour seulement trente minutes. Si 
	la garde à vue est prolongée, un deuxième entretien est possible. En 
	revanche, si l’on soupçonne un acte terroriste ou une atteinte à la sûreté 
	de l’Etat, la présence de l’avocat n’est possible qu’une fois que trois 
	jours pleins se sont écoulés. Ce dernier, dont le rôle est réduit à celui 
	d’une simple assistante sociale, ne doit rien savoir du dossier, ni 
	s’entretenir avec personne, ni assister aux interrogatoires. 
	 
	Ces conditions sont misérables. Il s’agit de faire pression sur les gardés à 
	vue pour qu’ils avouent : on leur enlève leur cravate, leurs lacets, on leur 
	prend tous les objets qui seraient de nature à leur permettre d’attenter à 
	leurs jours ! On les interroge une, deux ou trois heures d’affilée. Parfois, 
	on les laisse moisir plusieurs heures dans un local de trois mètres carrés 
	sur une planche qui leur sert de lit. Tout est fait pour que l’individu 
	perde jusqu’au sens de sa dignité dans l’espoir de casser sa résistance à 
	l’intrusion policière. Nombre d’aveux ont été ainsi obtenus et ensuite 
	démentis par les faits et les preuves. 
	 
	Héritages des tribunaux religieux ou de l’absolutisme royal, notre système 
	n’a rien à voir avec notre profession de foi républicaine. Cette façon 
	arbitraire de traiter le citoyen est la plus fréquente. C’est la police 
	aujourd’hui qui mène l’enquête, sans avocat aux côtés des personnes 
	impliquées, sans débat contradictoire, sans aucune vérification autre que 
	celle du parquet, qui lui même est chargé de soutenir l’accusation. 4 % 
	seulement des affaires pénales passent aujourd’hui par un juge 
	d’instruction. Dans un isolement total, sans l’assistance de quiconque, 
	l’individu est confié à la police, qui n’est pas formée pour instruire une 
	procédure pénale contradictoire, mais pour réunir des éléments de preuve. 
	C’est un métier de chasseurs. Or on n’est pas à la fois le chasseur et le 
	garde-chasse. 
	 
	Les leçons de démocratie nous viennent aujourd’hui d’Espagne, qui a su 
	inventer une véritable démocratie judiciaire. Une loi y impose la présence 
	d’un avocat dès la première minute de la garde à vue, même en matière de 
	terrorisme! 
	 
	En France que voyons depuis quelques semaines ? Un directeur de journal 
	arrêté au petit matin devant ses enfants, menotté, conduit au dépôt et deux 
	fois fouillé à corps pour un délit d’opinion qui ne peut faire l’objet 
	d’aucune mesure privative de liberté. Un homme politique livré en pâture aux 
	médias sans avoir accès à son dossier et qui, innocent ou coupable, est déjà 
	condamné. Une infirmière ayant commis sans intention homicide une erreur 
	dramatique mise dans l’isolement d’un commissariat sans aucune nécessité 
	sinon de satisfaire à la démagogie ambiante. 
	 
	Il appartient aux avocats et notamment à celui qu’ils ont désigné comme 
	bâtonnier - garant du droit et gardien des libertés - de dénoncer cette 
	dégénérescence de notre démocratie. Arrêtons de donner des leçons au monde 
	et de nous gargariser de la philosophie du siècle des Lumières quand tout 
	prouve notre complaisance à l’obscurité et à l’isolement arbitraire des 
	cachots. 
	 
	Christian Charrière-Bournazel 
	 
	
	 
	 
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