C'en est fini des barrières fiscales contre la concurrence des fonds
    de placement européens en matière de retraite. Forte des stipulations du traité
    instituant la Communauté européenne et de la jurisprudence fortement établie de la Cour
    de justice des communautés européennes, la Commission de Bruxelles vient d'adresser aux
    Etats réfractaires, dont évidemment la France, championne incontestée des infractions
    à la règle commune, un " avis motivé " leur donnant deux mois pour se mettre
    en règle en cessant d'imposer un traitement fiscal discriminatoire aux fonds de placement
    européens.  
    Voilà qui ne va pas arranger les affaires du gouvernement Raffarin, qui prétend avoir
    réglé le problème des retraites. Or non seulement il ne l'a pas réglé au plan
    national, puisque sa " réforme " n'est en réalité pas financée, mais encore
    il n'a jamais pris en compte l'aspect le plus important de l'affaire, qui réside dans le
    fait que les caisses de retraite nationales sont mises en concurrence interne et
    européenne du fait des directives 92/49/CEE et 92/96/CEE et que tout futur retraité
    français peut miser sur des institutions de l'Union européenne plutôt que sur les
    caisses françaises dont la faillite est inéluctable compte tenu de leur absence totale
    de réserves financières face à l'accroissement massif du nombre des retraités.  
    Nous publions ci-après le communiqué de la Commission européenne sommant quatre Etats
    de l'Union, dont la France, de mettre un terme à la discrimination à l'encontre des
    fonds de pension étrangers. Claude Reichman  
    Bruxelles, le 17 décembre 2003  
     
    Fiscalité des retraites: la Commission demande à la Belgique, au Portugal, à
    l'Espagne et à la France de mettre un terme à la discrimination à l'encontre des fonds
    de pension étrangers 
     
    La Commission européenne a mis la Belgique, le Portugal, l'Espagne et la France en
    demeure de modifier leur législation fiscale, qui accorde le bénéfice de la
    déductibilité fiscale aux cotisations versées aux fonds domestiques et non aux
    cotisations versées aux fonds étrangers. La Commission estime que le traitement
    préférentiel dont bénéficient les fonds de pension domestiques est incompatible avec
    le traité CE, qui garantit la libre prestation des services et la libre circulation des
    travailleurs et des capitaux. Cette procédure fait suite à l'action engagée par la
    Commission en février 2003 (voir IP/03/179), conformément à la communication d'avril
    2001 sur l'élimination des entraves fiscales à la fourniture transfrontalière des
    retraites professionnelles (voir IP/01/575 et MEMO/01/142).  
     
    "La Commission est résolue à s'attaquer à la discrimination fiscale exercée à
    l'encontre des fonds de retraite professionnelle établis dans d'autres États
    membres" a déclaré Frits Bolkestein, le commissaire chargé des questions de
    fiscalité et du marché intérieur. "Tant que les États membres n'auront pas mis un
    terme à cette discrimination fiscale, l'UE ne sera toujours pas en mesure de faire en
    sorte que les futurs retraités puissent tirer pleinement parti d'un marché unique
    paneuropéen des retraites".  
     
    La Commission a officiellement demandé à la Belgique, à la France, à l'Espagne et au
    Portugal de modifier leur législation fiscale et de réserver aux cotisations de retraite
    versées aux fonds de retraite établis dans d'autres États membres un traitement fiscal
    identique à celui accordé aux cotisations versées aux fonds domestiques. Ces mises en
    demeure ont été adressées sous forme d'avis dits " motivés ", qui
    constituent la deuxième étape de la procédure d'infraction prévue par l'article 226 du
    traité CE. Des demandes d'information préalables avaient déjà été adressées à ces
    États en février 2003, sous forme de lettres de mise en demeure (voir IP/03/179). Si ces
    États membres n'adoptent pas de mesures satisfaisantes dans un délai de deux mois, la
    Commission pourra saisir la Cour de justice. Des arrêts rendus jusqu'à présent par la
    Cour européenne de justice il ressort que la possibilité pour les États membres
    d'appliquer des règles fiscales différentes aux fonds de pension étrangers est très
    restreinte (affaires Wielockx (C-80/94), Jessica Safir (C-196/98), Danner (C-136/00) et
    Skandia (C-422/01)).  
     
    Espagne  
     
    Dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, le gouvernement espagnol a admis que les
    dispositions nationales actuelles n'étaient pas compatibles avec la législation de l'UE.
    L'Espagne a annoncé qu'elle entendait apporter les modifications nécessaires à sa
    législation avant le 23 septembre 2005 (date butoir fixée pour la mise en oeuvre de la
    directive 2003/11 sur les fonds de pension). Toutefois, la Commission estime que ce
    calendrier n'est pas suffisant.  
     
    France  
     
    Dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la France a également admis que
    l'évaluation effectuée par la Commission était correcte et que les règles fiscales
    françaises n'étaient pas compatibles avec les libertés inscrites dans le Traité. La
    France a annoncé qu'elle modifierait sa législation. Toutefois, elle n'a fourni aucune
    information détaillée ni de calendrier et certains amendements proposés comportent
    toujours un certain nombre de conditions qui, selon la Commission, constituent une entrave
    aux libertés du Traité.  
     
    Belgique  
     
    Le gouvernement belge n'a encore fourni aucune réponse définitive en ce qui concerne ses
    intentions au regard des points évoqués par la Commission. La Commission estime
    inacceptable que :  
    - la déductibilité fiscale des cotisations " retraite " soit limitée aux
    seules cotisations versées aux fonds de pension belges;  
    - le transfert de capitaux vers un fonds de pension étranger soit frappé d'un impôt
    spécifique en Belgique;  
    - les retraites versées aux personnes qui partent s'établir dans d'autres États de
    l'Union européenne restent imposables en Belgique, même lorsque la Belgique, dans le
    cadre de ses traités fiscaux bilatéraux, a cédé ses droits de taxation de ces pensions
    à ces autres États;  
    - la Belgique oblige les fonds de pension étrangers qui souhaitent proposer leurs
    services sur le territoire belge à désigner un représentant fiscal en Belgique.  
     
    Portugal  
     
    Le Portugal a fait valoir que sa législation fiscale est cohérente en ce sens qu'il y a
    un lien entre la déductibilité fiscale des cotisations et l'imposition des pensions
    s'agissant des fonds de pension portugais et entre la non-déductibilité fiscale des
    cotisations et la non-imposition des pensions s'agissant des fonds de pension étrangers
    (cohérence analogue acceptée par la Cour dans l'arrêt Bachmann (C-204/90 of 28 janvier
    1992). La Commission estime en revanche que cette cohérence n'existe pas dans la
    législation portugaise.  
     
    Politique de la Commission en matière d'imposition des retraites  
     
    Dans sa communication du 19 avril 2001, la Commission européenne a fait de l'élimination
    des entraves fiscales aux prestations transfrontalières de retraites professionnelles
    l'une de ses priorités et a procédé à un large tour d'horizon juridique du problème.
    Elle y a notamment souligné qu'en n'autorisant pas les travailleurs mobiles à déduire
    fiscalement les cotisations de retraite versées à leur régime d'origine, on limitait
    leurs droits en matière de libre circulation.  
     
    De même, la discrimination fiscale empêche les fonds de pension d'utiliser leurs droits
    à la libre prestation des services. Enfin, la discrimination fiscale empêche les
    entreprises disposant d'établissements dans différents États membres de regrouper leurs
    dispositifs de retraite professionnelle en un seul et même régime pour l'ensemble de
    leurs cotisants partout dans l'Union. Cette centralisation, expressément prévue par la
    directive sur les fonds de pension (voir IP/03/669), permettrait aux entreprises de
    réaliser d'importantes économies d'échelle et de réduire sensiblement leurs frais
    administratifs.  
     
    Situation des autres États membres  
     
    La Commission a décidé en juillet de cette année d 'assigner le Danemark devant la Cour
    de justice étant donné qu'aux yeux de la Commission le Danemark exerce également une
    discrimination à l'encontre des prestataires de pensions étrangers. Les cotisations
    versées à des régimes de pension étrangers ne sont pas déductibles fiscalement,
    contrairement aux cotisations versées aux régimes danois. Des procédures ont également
    été engagées à l'encontre de l'Irlande et du Royaume-Uni au sujet de législations
    fiscales analogues (voir IP/03/965).  
     
    Les informations les plus récentes concernant les procédures d'infraction ouvertes à
    l'encontre des États membres peuvent être consultées sur le site suivant:  
     
    https://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/droit_com/index_fr.htm  
     
     
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