Baisser le 
	salaire des ministres ? Plutôt crever ! 
	 
	Nous nous en doutions depuis quelque temps mais Luc Chatel est vraiment nul. 
	Entre Frédéric Lefebvre et lui, la majorité n’a décidemment pas de chance 
	avec ses porte-parole. Chaque fois que l’un de ces deux-là ouvre la bouche, 
	Sarkozy perd un point dans les sondages. Et ce qui est le plus embêtant avec 
	Chatel, c’est qu’en plus il est ministre de l’Education nationale. Il paraît 
	même qu’il serait premier-ministrable ! 
	Sa toute dernière gaffe mérite d’entrer dans une anthologie. Elle est, en 
	tous les cas, diablement révélatrice à la fois de l’impudeur de ceux qui 
	nous gouvernent et du mépris dans lequel ils nous tiennent. 
	 
	On sait que, face à la crise épouvantable qui ravage aujourd’hui l’Europe et 
	au milieu de toutes les mesures de rigueur, voire d’austérité, que sont bien 
	obligées de prendre toutes les capitales, un certain nombre de premiers 
	ministres ont décidé de réduire leur propre salaire et celui de leurs 
	ministres.
	C’est, évidemment, un peu démagogique mais c’est un symbole fort qui 
	consiste à dire au « brave peuple » : nous devons tous nous serrer la 
	ceinture, nous les premiers. C’est, en tous les cas, une réponse à tous 
	ceux, de plus en plus nombreux, qui pensent, bien souvent à juste titre, que 
	ce sont toujours les mêmes auxquels on demande de faire des efforts alors 
	que les dirigeants, les élus, les vrais responsables de tous nos malheurs 
	continuent à se goberger dans les palais de la République, aux frais de la 
	République et avec la valetaille de la République. 
	 
	Interrogé pour savoir si le gouvernement français allait prendre les mêmes 
	dispositions et réduire le salaire des membres du gouvernement, Luc Chatel 
	vient de nous déclarer qu’il n’en était pas question une seule seconde et 
	que d’ailleurs c’était totalement impossible car « si on diminuait le 
	salaire des ministres, il faudrait aussi diminuer le salaire de tous les 
	fonctionnaires ». On en tombe à la renverse !  
	Pour qui nous prend-il ? 
	 
	Jamais le salaire des fonctionnaires n’a été aligné sur celui des membres du 
	gouvernement, qui sont hors échelle, hors statut, hors tout et souvent même 
	hors du sens commun. 
	 
	Et d’ailleurs, quand Nicolas Sarkozy, à peine élu, a augmenté, sans pudeur 
	et dans des proportions considérables, son salaire de président de la 
	République, sans même se rendre compte de l’effet déplorable que cela 
	pouvait avoir sur son image, en pleine période « bling-bling », a-t-on pour 
	autant augmenté le salaire de tous les fonctionnaires ? Non, bien sûr. 
	 
	On peut toujours nous dire que ce n’est pas en 
	réduisant les salaires de nos ministres qu’on arrivera à combler nos 
	déficits publics (150 milliards d’euros au bas mot, cette année). C’est 
	vrai. Tout comme ce n’est pas en supprimant le bouclier fiscal (dont ne 
	bénéficient que 16.500 contribuables et qui ne coûte que 600 millions 
	d’euros par an de manque à gagner pour l’Etat) qu’on pourra boucher le trou 
	de notre dette (1.500 milliards d’euros). C’est encore vrai. 
	 
	Mais alors, si on néglige les « bouts de ficelle », pourquoi ne pas 
	supprimer l’ISF qui ne rapporte qu’un petit milliard d’euros par an, ce qui 
	est, en effet, insignifiant mais ce qui ferait bien plaisir aux 550.000 
	redevables de cet impôt fondamentalement discutable. 
	Le « train de vie » de l’Etat est, évidemment, aujourd’hui au cœur du débat 
	qui nous est imposé par notre « faillite » (pour reprendre le mot, mais il 
	n’y en a pas d’autre, de François Fillon lui-même). Le premier ministre nous 
	a annoncé « un gel des dépenses publiques sur trois ans, une baisse de 10% 
	des dépenses de fonctionnement et 5 milliards d’économie sur les niches 
	fiscales ». Et Sarkozy lui-même nous a laissé entendre qu’il y aurait 
	d’autres mauvaises surprises. Très bien, mais à coup sûr totalement 
	insuffisant. 
	 
	D’autant plus que le même Fillon a ajouté que ce gel était « hors charges 
	d’intérêt de la dette ». Morceau de phrase qui est passé inaperçu. Or, les 
	intérêts de notre dette vont littéralement exploser cette année et plus 
	encore dans les années à venir, ce qui veut dire que les 10% de baisse des 
	dépenses de fonctionnement, les 5 milliards récupérés dans les niches 
	fiscales et même les autres mauvaises surprises seront totalement 
	insuffisants pour stabiliser nos dépenses publiques qui, malgré le gel, vont 
	continuer à augmenter, à cause de la dette, considérablement. 
	 
	Une diminution de 5, 10 ou 20% du salaire de nos excellences n’aurait, en 
	effet, rien changé à la situation catastrophique de nos finances publiques 
	mais elle aurait été un signal fort permettant aux Français de croire, un 
	instant, que leurs responsables politiques commençaient à être conscients de 
	l’état d’esprit du pays. 
	 
	Quand la gauche de la gauche répète que « les riches sont de plus en plus 
	riches et les pauvres de plus en plus pauvres », elle a, hélas, raison. Elle 
	pourrait même ajouter que les classes moyennes voient chaque jour leur 
	situation se dégrader. 
	 
	Comment Chatel et ses complices n’ont-ils pas vu que l’affaire des salaires 
	des sportifs, puis celle des parachutes dorés des patrons virés pour 
	incompétence, puis celle du double salaire indécent d’Henri Proglio 
	révélaient l’exaspération des Français devant l’impudeur des privilégiés. 
	 
	En refusant de faire ce geste symbolique mais qui s’imposait vu les 
	circonstances, nos ministres creusent encore davantage le fossé qui les 
	sépare et des réalités et de l’opinion. En s’accrochant à tous leurs 
	avantages sous prétexte qu’ils se refusent à toute démagogie, ils font le 
	jeu du pire des populismes. Leur attitude est pain bénit pour les 
	extrémistes de droite comme de gauche et la France attend aujourd’hui avec 
	impatience que « Le Canard enchaîné » publie, en détail, les salaires, les 
	primes, les notes de frais, les frais de bouche, frais de voyage, frais de 
	représentation et autres petites douceurs de tous les membres du 
	gouvernement.  
	Thierry Desjardins   |