Principe de précaution : il faut raser Paris ! 
	 
	On comprend le désarroi et l’indignation des quelque 1.393 habitants des 
	côtes de Charente-Maritime et de Vendée qui viennent d’apprendre que l’Etat 
	allait faire détruire leurs maisons. L’administration a tracé, à la va-vite, 
	les périmètres de « zones noires » et ceux qui ont le malheur de s’y trouver 
	vont devoir partir, verront leurs habitations détruites à coups de bulldozer 
	et toucheront, en moyenne, 250.000 euros. Or, certaines de ces maisons n’ont 
	pas été touchées par la tempête Xynthia et d’autres ne sont même pas en 
	première ligne face à l’océan. 
	 
	On imagine le désespoir de ces gens à l’idée d’avoir à abandonner leur 
	passé, leurs souvenirs, souvent le fruit de toute une vie d’épargne, de 
	sacrifices, de bonheur. Il est évident que tout cela ne va pas se faire sans 
	violence. Les préfets de deux départements sont désormais protégés par des 
	gardes du corps. 
	 
	Une fois de plus, on voit à l’œuvre la « méthode Sarkozy ». Une catastrophe 
	qui fait l’ouverture du journal télévisé, un fait divers qui fait la « une » 
	de la presse, et, immédiatement, le président se précipite sur les lieux, 
	sort trois phrases devant toutes les caméras, reçoit les victimes, annonce 
	des mesures, des décisions, des projets de loi et bien vite… passe à autre 
	chose, à la catastrophe ou au fait divers suivants. Aucune réflexion, aucune 
	concertation. Juste des moulinets, des effets de manche, des menaces, des 
	promesse et, parfois, un oukase impérial qui tombe comme un couperet. 
	 
	Cette fois, çà n’a pas traîné. Devant l’ampleur de la catastrophe, Sarkozy a 
	décrété qu’il n’y avait qu’une chose à faire : raser toutes les habitations 
	en zones inondables. 
	C’est la fameuse théorie du « principe de précaution », variante de celle de 
	la « tolérance zéro ». On tolère zéro risque !
	Quand on est assis dans un bureau élyséen et qu’on ne connaît rien ni aux 
	dossiers ni aux réalités, on se dit qu’il est absurde de construire en zones 
	inondables et que, pour ne plus avoir de problèmes, il suffit, par « 
	précaution » justement, de détruire tout ce qui y a été construit 
	inconsciemment par le passé. 
	 
	Quand on est un peu au courant des choses, on sait qu’il y a des centaines 
	de milliers de constructions en zones inondables, aussi bien le long de nos 
	côtes qu’en bordure de tous nos fleuves et de toutes nos rivières. Des 
	villes entières ont été bâties en zones inondables alors pourtant qu’il 
	s’agissait de zones qui avaient déjà été, à maintes reprises, dévastées par 
	des inondations (Maisons-Alfort, Alfortville, etc.). Va-t-il falloir les 
	raser ? 
	 
	On peut même remarquer que tous les derniers grands édifices construits par 
	l’Etat à Paris ont été élevés là même où la fameuse crue de 1910 avait fait 
	le plus de dégâts : la Grande bibliothèque François Mitterrand, le Musée des 
	Arts premiers, le siège de France-Télévision, l’Hôpital Georges Pompidou, la 
	Maison de la radio sont, tous, en bordure de Seine et on sait donc qu’à la 
	prochaine crue centennale tous ces bâtiments seront inondés et 
	inaccessibles. Faut-il tous les raser et détruire du même coup tous les 
	quartiers parisiens riverains de la Seine ? 
	 
	Le « zéro risque » est absurde et le « principe de précaution » qui 
	consiste, en fait, à capituler par avance devant les aléas de la nature 
	l’est tout autant. 
	 
	Le rôle de l’Etat n’est pas de faire évacuer la population devant un ennemi 
	potentiel, il est de prendre des mesures pour que cet ennemi n’envahisse pas 
	le territoire. En clair, il n’est pas de rendre aux flots toutes les zones 
	qu’il peut éventuellement convoiter mais bien de construire des digues, des 
	zones d’expansion, des lacs-réservoirs pour faire face au déchaînement des 
	éléments. En Hollande, 25% du pays est en dessous du niveau de la mer et 60% 
	de la population (soit 10 millions de Hollandais) vivent à l’abri des 
	digues. 
	Personne ne conteste qu’il y a eu, sur le littoral de la Vendée et de la 
	Charente-Maritime, bien des imprudences, de l’inconscience et sans doute 
	quelques malversations. Le maire-adjoint de La Faute-sur-Mer chargé de 
	l’urbanisme signait des permis de construire à son propre fils, promoteur 
	immobilier… 
	 
	Mais il faut aussi remarquer que si les textes édictés à Paris ne sont pas 
	toujours appliqués sur place, ils sont souvent absurdes. Dans les zones 
	frappées par la tempête Xynthia, la plupart des propriétaires avaient obtenu 
	l’autorisation de construire mais on leur avait refusé l’autorisation 
	d’élever un étage, au nom du paysage et du respect des traditions 
	architecturales de la région. La plupart des victimes ont été noyées dans 
	leur rez-de-chaussée parce qu’elles n’avaient pas pu se réfugier dans un 
	premier étage. 
	 
	Cela dit, le grand responsable du drame (qui a fait plus de cinquante morts) 
	reste l’Etat qui n’a pas entretenu les digues. Au lieu de faire évacuer la 
	population, Sarkozy aurait dû annoncer que de nouvelles digues allaient été 
	construites. 
	 
	Thierry Desjardins  
	https://www.thierry-desjardins.fr/ 
	 
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