L’Etat laïque face à l’Etat 
	islamique ! 
	 
	Plusieurs dizaines de milliers de Musulmans se sont réunis ce week-end (de 
	Pâques) au Bourget à l’occasion des traditionnelles « Rencontres des 
	Musulmans de France » organisées par l’UOIF, l’Union des Organisations 
	Islamiques de France. 
	 
	L’ambiance, nous dit-on, était à l’inquiétude. De nombreux orateurs ont 
	dénoncé un « climat malsain » qui régnerait actuellement en France, une « 
	islamophobie rampante » de plus en plus généralisée et une « stigmatisation 
	systématique » de l’Islam et des musulmans. 
	 
	Il faut bien reconnaître que les initiatives du gouvernement, ces mois 
	derniers, n’ont pas été de nature à rassurer les Français musulmans (plus de 
	6 millions), ni à apaiser le climat ambiant. Le pouvoir n’a fait qu’agiter 
	des chiffons rouges tout en jouant les pompiers pyromanes.
	L’absurde opération sur l’« identité nationale », lancée par Sarkozy et 
	Besson, avait-elle, par exemple, la moindre chance d’amener la majorité des 
	Français à affirmer qu’on pouvait désormais être à la fois musulman et 
	français ? Evidemment non. 
	Demander à l’opinion française ce que c’est qu’« être français » ne pouvait 
	que la conduire à répondre que, pour être un « vrai » français, il valait 
	mieux être né en France, de parents français, de culture occidentale, blanc 
	de peau et chrétien de religion.  
	On dira que c’est là une attitude inadmissible et une conception 
	totalement archaïque de la nationalité. Sans doute. Mais ayons l’honnêteté 
	de nous demander si, même en possession d’une carte d’identité française 
	parfaitement en règle, un homme né au Mali, de parents maliens, de culture 
	africaine, noir de peau et musulman (ou animiste) de religion est 
	aujourd’hui, aux yeux de l’ensemble de la collectivité nationale, un 
	Français… « comme les autres », « normal », « authentique ». Seuls les 
	adeptes inconditionnels de la pensée unique qui ne veulent pas regarder les 
	réalités de la société française d’aujourd’hui peuvent le prétendre. 
	 
	Pourquoi diable avoir ouvert un tel débat alors que le pays est en pleine 
	crise économique, sociale, culturelle, identitaire, et qu’il compte 
	précisément plus de dix millions d’immigrés ou de fils d’immigrés et plus de 
	six millions de musulmans, lesquels sont souvent les premières victimes de 
	ces crises ? 
	 
	Sarkozy avait-il l’espoir de récupérer ainsi quelques électeurs d’extrême-droite 
	qu’il avait pu séduire lors des présidentielles et qui semblaient depuis 
	s’être de nouveau éloignés ? On a vu le résultat, plus que prévisible, avec 
	ces dernières régionales. Un Front national à 12%, à plus de 20% dans 
	certaines régions. 
	 
	Non, on ne joue pas impunément avec le feu. Et il est invraisemblable qu’un 
	chef d’Etat et un gouvernement soient obligés d’organiser une vaste enquête 
	nationale pour savoir ce que c’est qu’« être français », comme s’ils ne le 
	savaient pas eux-mêmes.  
	Il est évident que pour nos compatriotes musulmans, cette recherche de « 
	l’authenticité française » ne pouvait être ressentie que comme une opération 
	d’exclusion. 
	Et là-dessus, nous avons, en plus, au milieu d’une surenchère de démagogies 
	à droite comme à gauche, ces projets et ces propositions d’interdiction du 
	port de la burqa. Dans le pays de toutes les libertés !  
	De quoi s’agit-il ? De bien faire comprendre à tous, au nom de la dignité 
	humaine, que les musulmans (pour peu qu’ils soient extrémistes) sont des « 
	sauvages » qui persécutent et avilissent leurs femmes et qu’ils n’ont donc 
	rien à faire dans notre pays. Et qu’importe si, pour la plupart, ces quelque 
	2 à 3.000 femmes qui portent la burqa sont des Françaises « de souche », 
	récemment converties, qu’on pourra peut-être jeter en prison mais qu’on ne 
	pourra pas expulser. Sans parler des richissimes ressortissantes du Golfe 
	qui dévalisent nos magasins de grand luxe. 
	 
	On imagine sans peine que les militants et sympathisants de l’UOIF, souvent 
	proches des fameux Frères musulmans, ne soient pas contents. Il faudra bien, 
	un jour, qu’au lieu de se lancer dans des débats fumeux et explosifs ou dans 
	des interdits pris à la va-vite et en totale contradiction avec nos lois 
	fondamentales, nous regardions les choses en face. 
	Nous assistons, dans le monde entier, à une renaissance inattendue et 
	brutale de l’Islam. Pourquoi ? Tout simplement parce que les pauvres, les 
	exclus, les bannis qui, pendant des décennies, se sont réfugiés dans 
	l’idéologie communiste pour rêver au Grand soir et à un avenir meilleur ne 
	peuvent plus évoquer Marx et le grand frère soviétique. Ce rêve-là s’est 
	effondré avec les ruines de l’URSS et la chute du Mur de Berlin. 
	 
	Alors, tout naturellement, puisqu’il faut bien avoir un espoir, croire en 
	quelque chose, en une révolution possible, ces miséreux ont ressorti le rêve 
	de l’Islam enfoui dans leur mémoire collective. Marx ayant échoué 
	pitoyablement, Allah allait leur permettre de balayer la planète et de 
	prendre enfin leur revanche sur un monde qui n’a jamais cessé de les 
	opprimer, de les mépriser.  
	On a vu çà, en grandeur réelle, en Iran, en Egypte, en Algérie, au 
	Soudan, aux Philippines, en Indonésie et ailleurs. Partout, les disciples de 
	Marx, intellectuels ou habitants des bidonvilles, sont devenus, presque du 
	jour au lendemain, des disciples de l’ayatollah. La crise économique 
	mondiale n’a, bien sûr, fait qu’amplifier le mouvement. 
	Deuxième évidence : toute religion renaissante est, naturellement, entraînée 
	par ses extrémistes. Ce ne sont jamais les modérés, les mous, les « 
	raisonnables » qui réveillent les masses.  
	On l’a vu pour l’Islam avec les ayatollahs, les mollahs et les émirs, 
	tous plus fanatiques les uns que les autres, mais on le voit aussi, depuis 
	plusieurs années, en Inde où l’hindouisme pur et dur prend le pouvoir en 
	faisant incendier les mosquées et les églises. Et on pourrait presque dire 
	que le timide réveil, chez nous, de l’église catholique est dû, en grande 
	partie, à l’extrémisme de Mgr Lefèvre et de ses disciples, amateurs de 
	messes en latin et des soutanes d’antan. 
	 
	Cette résurgence d’un Islam conquérant, jusque dans nos banlieues, provoque, 
	évidemment, chez les uns, la peur, chez les autres, l’ambition.
	Or, il faut bien constater qu’en face de cette situation, nos 
	dirigeants ont multiplié les erreurs, en officialisant « les représentations 
	du culte musulman » qui ne pouvaient qu’être noyautées par les extrémistes, 
	en prônant « le droit à la différence », porte ouverte à toutes les dérives, 
	en encourageant « le communautarisme », créateur de ghettos, en évoquant « 
	la discrimination positive » qui ne peut qu’entraîner un réflexe xénophobe 
	de la part de ceux qui n’en bénéficieraient pas et en croyant, bien 
	naïvement, en l’émergence d’un « Islam à la française » et donc modéré. 
	 
	La vraie question est de savoir si l’Islam et la laïcité peuvent cohabiter 
	harmonieusement. Par définition, toutes les religions souhaitent être 
	hégémoniques et imposer leurs règles à la société. Quand on croit en Dieu et 
	donc qu’on est persuadé que les textes sacrés ont été dictés par le Créateur 
	lui-même, il est évidemment inconcevable d’obéir à des lois élaborées par 
	des parlements éphémères, inacceptable de se soumettre à une quelconque 
	majorité d’élus qui, de plus, sont des « infidèles ». C’est vrai pour tous 
	les croyants, mais pire encore pour les musulmans pour lesquels l’Etat 
	lui-même ne peut qu’être l’émanation du religieux.  
	Tout bon musulman, de France ou d’ailleurs, ne peut, en son for 
	intérieur, que souhaiter l’avènement, dans son pays, d’un Etat islamique. 
	Comment le lui reprocher ? 
	Il appartient donc à l’Etat laïc de lui faire comprendre que, tant qu’il 
	sera minoritaire, son rêve ne sera qu’une utopie. Et, pour cela, cet Etat se 
	doit d’être intransigeant avec la laïcité. C’est-à-dire, d’abord, protéger 
	fermement la liberté individuelle de chacun de pratiquer sa foi comme il 
	l’entend (quitte à faire porter aux femmes la burqa) mais, ensuite et 
	surtout, être intraitable sur les grands principes en refusant notamment 
	tout communautarisme, tout droit à la différence, toute discrimination, 
	positive ou négative, tout quota à l’embauche ou ailleurs, etc. 
	 
	Bref, pour sauvegarder la laïcité qui nous est si chère et maintenir des 
	relations acceptables avec nos compatriotes musulmans, il faudrait faire 
	exactement le contraire de ce qu’on fait. 
	 
	On comprend les inquiétudes des musulmans qui se sont réunis au Bourget ce 
	week-end. Ils voient un Etat qui, d’une part, les stigmatise et qui, d’autre 
	part, affiche une politique qui ne peut qu’excéder les autres.  
	Ce n’est pas « le droit à la différence » qu’il faut prôner dans une 
	République digne de ce nom mais « le droit à l’indifférence ». 
	 
	Thierry Desjardins 
	 
	
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