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	 Sarkozy raconte des balivernes, même aux 
	Africains !  
	Décidément, c’est une maladie chez lui. Dès qu’il est en public (et on 
	imagine que c’est la même chose en privé) Nicolas Sarkozy ne peut pas 
	s’empêcher de raconter n’importe quoi. Ca part sans doute d’un bon 
	sentiment. Il veut faire plaisir. A moins qu’il ne s’imagine vraiment qu’il 
	a les moyens de changer la face du monde. 
	 
	Hier, au 25ème sommet franco-africain de Nice, il s’est surpassé. La réunion 
	était délicate. D’abord, parce que certains accusent la France d’essayer de 
	faire du néo-colonialisme avec ce genre de manifestation. Ensuite et 
	surtout, parce que ce 25ème sommet tombe au moment même du 50ème 
	anniversaire des indépendances de nos anciennes colonies africaines. C’est 
	donc inévitablement l’heure du bilan. Et le moins qu’on puisse dire c’est 
	qu’il n’est pas bon. 
	 
	En un demi-siècle d’indépendance, l’Afrique a, presque partout, sombré dans 
	l’anarchie politique, le marasme économique et le désespoir social. Les 
	coups d’Etat et les dictatures se sont multipliés, les économies se sont 
	effondrées, la famine et les épidémies sont réapparues, les guerres 
	ethniques si ce n’est tribales ont dévasté certaines régions, la plupart des 
	capitales sont cernées par d’immenses bidonvilles où les paysans affamés de 
	la savane et de la forêt sont venus s’agglutiner. Rares sont les chefs 
	d’Etat africains qui peuvent se vanter que leur pays ait réussi son 
	indépendance. 
	 
	Et pour ce qui est des relations entre ces pays et la France, le bilan n’est 
	guère meilleur. Paris continue à répéter que la France a des liens « 
	privilégiés », historiques, culturels, économiques avec ses anciennes 
	colonies tout en affirmant que la « Françafrique » est terminée. Bercy 
	trouve que la coopération coûte beaucoup trop cher, sans oser d’ailleurs 
	faire de compte de ce que ces cinquante ans d’« amitié » nous ont coûté à 
	fonds perdus, et les capitales africaines nous reprochent de limiter les 
	visas et d’avoir une politique raciste d’immigration. 
	 
	Sarkozy avait rêvé à des grandes manifestations à l’occasion de ces 50 ans. 
	C’était le pauvre Toubon (dont on ignorait les compétences africaines) qui 
	était chargé d’organiser les fêtes. Finalement, tout cela se limitera à la 
	présence de dix contingents africains lors du défilé du 14 juillet.  
	Bref, le 25ème sommet de Nice ne pouvait qu’être un peu morose et Sarkozy 
	n’avait pas grand-chose à offrir à ses hôtes, les 51 pays présents. Mais il 
	n’est jamais à court d’idées. 
	 
	On se demande quelle mouche l’a piqué. Il a d’abord affirmé, contre toute 
	évidence, que l’Afrique tenait une place essentielle sur la planète, sans 
	préciser toutefois que ce continent avait un PIB par habitant qui était le 
	tiers du PIB de l’Asie et le sixième du PIB de l’Europe ou de l’Amérique.
	 
	Du coup, il s’est écrié : « Il faut être prêt à faire une place à 
	l’Afrique dans la gouvernance mondiale. Aucun des grands problèmes auxquels 
	le monde est confronté ne pourra trouver de solution sans la participation 
	active du continent africain » 
	 
	A quels « grands problèmes » Sarkozy faisait-il allusion ? La faim dans le 
	monde, la démographie galopante, le SIDA, la protection de l’environnement, 
	l’avancée des déserts et la déforestation, le réveil des nationalismes et la 
	montée des fanatismes religieux, la mondialisation de l’économie et la 
	suprématie des pays émergents ? De tous ces « problèmes », l’Afrique est la 
	première des victimes et on ne voit pas comment elle pourrait participer 
	activement à la recherche de leurs solutions. 
	 
	Mais le président a sa solution. « Il est anormal, s’est-il écrié, que 
	l’Afrique ne compte aucun membre du Conseil de Sécurité de l’ONU ». C’est ce 
	qui s’appelle caresser la bête dans le sens du poil. Certains grands pays 
	africains (l’Egypte, l’Afrique du sud, le Nigeria et d’autres) souhaitent en 
	effet, depuis des années, rejoindre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la 
	Russie, la Chine et la France comme membres permanents du Conseil du « 
	machin ». Pour l’instant, l’Afrique n’a que trois sièges non-permanents. Les 
	Africains en veulent deux permanents et quatre non-permanents. 
	 
	Et Sarkozy leur a promis de défendre leur cause, notamment dès qu’il sera à 
	la tête du G20. Il a d’ailleurs son plan : un statut de membres intérimaires 
	qui permettrait de donner à l’Afrique des sièges au Conseil de Sécurité qui 
	seraient « permanents mais limités à dix ans » (sic !) et qui n’auraient pas 
	de droit de veto. Demi-mesure dont les Africains ne veulent naturellement 
	pas entendre parler. 
	 
	Comment Sarkozy a-t-il pu s’engager ainsi à obtenir des sièges (même des 
	strapontins) au Conseil de sécurité pour les Africains ? Ignore-t-il à ce 
	point qu’un certain nombre de pays, pesant autrement plus lourd sur la 
	planète que les pays africains, revendiquent, depuis des années, un siège 
	permanent au Conseil de sécurité ? A commencer par l’Inde, le Brésil, le 
	Mexique, le Japon ou l’Allemagne. 
	 
	L’Egyptien Moubarak était à Nice aux cotés de Sarkozy. Il l’écoutait avec un 
	petit sourire. De satisfaction ? Non, d’ironie. Il se souvenait soudain 
	qu’il avait déjà été à côté de ce même Sarkozy quand celui-ci avait lancé 
	l’Union pour la Méditerranée…  
	Thierry Desjardins  
	
	 
	 
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