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	 Le champion de Jacques Chirac a mis un 
	genou à terre.  
	Le président français Jacques Chirac a inauguré le mardi 16 juillet 2002 
	à Blagnac, le site d'assemblage de l’avion géant Airbus A380 dont il a fait 
	le symbole de la coopération européenne capable de damer le pion à 
	l’Amérique. Par son discours même il en a fait aussi le symbole de 
	l’interventionnisme étatique. 
	 
	Quatre ans plus tard le champion de Jacques Chirac a mis un genou à terre. 
	 
	Alors que le premier A380 devait entrer en service au printemps de cette 
	année, les retards se sont accumulés. A l’heure actuelle on nous annonce 
	qu’un seul A380 serait livré en 2007 et que l’ensemble du projet a pris au 
	moins deux ans de retard. Les clients ayant commandé des avions qui ne leur 
	seront pas livrés dans les délais prévus recevront des compensations 
	financières qui pénaliseront Airbus Industries de 4,8 milliards d’euros. A 
	cette débâcle s’en ajoute une autre : l’A350, un autre avion devant 
	concurrencer Boeing, ne satisfait pas ses utilisateurs et sa conception même 
	doit être revue. Un remplaçant, l’A350 XWB est annoncé. D’où de nouveaux 
	retards, de nouveaux délais et de nouvelles pertes estimées à quelques 2 
	milliards d’euros. 
	 
	Les spécialistes estiment que les causes des problèmes d’Airbus tiennent 
	pour beaucoup à la dispersion des sites de production dans les pays qui sont 
	partie prenante du projet. La France et l’Allemagne se sont ainsi entendues 
	pour que l’A380 soit construit à la fois dans les deux pays. Il fallait bien 
	montrer qu’il s’agit d’une véritable coopération ! Et puis chaque 
	gouvernement veut montrer qu’il crée des emplois. D’où l’assemblage à 
	Toulouse de morceaux de fuselage fabriqués pour partie à Hambourg et pour 
	partie sur place. D’où aussi l’incompatibilité entre les câblages des 
	morceaux français et allemands constatée bien trop tard et les difficultés 
	rencontrées pour y remédier. 
	 
	Bien sûr, la logique voudrait que l’ensemble des fuselages soient fabriqués 
	à Toulouse (ou à Hambourg) afin de mieux coordonner leur montage et 
	d’abaisser les coûts de fabrication. C’est ce que voudrait réaliser le 
	nouveau patron d’Airbus, Christian Streiff, appelé en urgence pour redresser 
	la situation. Mais la logique politique l’entend autrement. Les Allemands 
	ont investi 750 millions d’euros pour aménager le site de Hambourg et ne 
	sont pas prêts à le sacrifier. Puis il y a la question de l’emploi. Les 
	économies que devrait obtenir Christian Streiff exigent des suppressions de 
	postes (surtout en Allemagne si le fuselage de l’A380 devait être 
	entièrement fabriqué à Toulouse). Enfin, Airbus devrait faire plus largement 
	appel à la sous-traitance dans les pays à coûts de main d’œuvre faibles, ce 
	qui, on s’en doute, est politiquement tabou. Mais les responsables 
	politiques interdisant les nécessaires réductions de coûts, Christian 
	Streiff pourra-t-il ne pas démissionner ? 
	 
	Il est peu probable que la logique économique l’emporte sur la logique 
	politique. Ce qui signifie que le champion de Jacques Chirac aura du mal à 
	se relever sur ses deux jambes. Un KO est même à craindre ! 
	 
	En effet, les problèmes d’Airbus tiennent au fond à un mauvais choix 
	stratégique. Dans son discours de Toulouse, Chirac avait insisté sur ce 
	qu’il appelle « l'impérieuse nécessité » pour la France d'investir 
	massivement dans les hautes technologies. Or, le choix de l’A380 plutôt que 
	de l’A350 (un avion à long rayon d’action moins avancé technologiquement que 
	l’A380) comme vecteur du développement commercial de la société Airbus 
	implique précisément un tel choix. On peut penser qu’il a été fortement 
	inspiré, si ce n’est imposé, par l’Elysée. 
	 
	Malheureusement, ce choix a conduit au fiasco constaté aujourd’hui. Le bon 
	choix est celui du rival Boeing. Son 787 Dreamliner connaît un tel succès 
	commercial qu’il pourrait forcer Airbus à retirer son A350 XWB, un avion de 
	la même famille, du marché. Et le succès commercial de l’A380 étant très 
	incertain, quel pourra bien être l’avenir d’Airbus, ce fleuron de 
	l’industrie européenne ?  
	Florin Aftalion 
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