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	 Des pêcheurs en colère, des députés en 
	goguette  
	Comment aider les marins pêcheurs, financièrement étranglés par 
	une nouvelle augmentation du gas-oil ? Ils bloquent des ports pour attirer 
	l’attention des pouvoirs publics, et à cette occasion plusieurs reportages 
	relataient leurs conditions de vie professionnelle qui justifient, 
	évidemment, que l’on s’occupe d’eux. 
	 
	Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, était 
	l’invité de RTL, ce matin, à 7h50, pour évoquer ce dossier. Que peut faire 
	le gouvernement ? Surtout, que peut-il faire qu’il ne fait déjà ? En effet, 
	le gas-oil est vendu sans taxe aux pêcheurs, qui bénéficient en outre 
	d’exonération de charges patronales et même, pour six mois, salariales. 
	Comment faire plus ? Qu’exonérer encore ? Dans quelles caisses puiser de 
	nouvelles aides ? 
	 
	A ces questions, Michel Barnier a répondu de manière vague mais 
	volontairement constructive. Nous aiderons les pêcheurs, a-t-il dit en 
	substance, nous ne les laisserons pas tomber, même si Bruxelles, méchante 
	Bruxelles, c’est-à-dire l’Europe, méchante Europe, ne voit pas d’un bon oeil 
	les efforts entrepris. Nous n’accepterons pas, a encore dit le ministre, de 
	voir la pêche disparaître. Belle pétition de principe, qui illustre en même 
	temps les limites de l’action politique. 
	 
	Au point où nous en sommes, un constat s’impose : l’activité de pêche 
	en mer, dure et dangereuse comme le sont peu de métiers, ne parvient plus à 
	trouver sa vérité économique. Les coûts d’exploitations sont très élevés et 
	la vente des produits faiblement rémunératrice. Dans ces conditions, il faut 
	aider, subventionner, exonérer. D’une certaine manière, nous sommes placés 
	dans une telle situation qu’en approfondissant encore la politique d’aides 
	diverses, nous nous rapprochons de la nationalisation de l’activité. Ce sera 
	bientôt au nom de l’aménagement du territoire, ou encore de la préservation 
	du littoral et des traditions qui y sont attachées, que nous défendrons la 
	conservation d’une activité de pêche en France. Terrible réalité que les 
	responsables politiques évitent de nommer, sans doute parce qu’elle charrie 
	trop d’angoisse. 
	 
	Autre débat pour lequel encore pas un invité n’est venu spécifiquement au 
	micro de RTL: la réforme des institutions, que les députés 
	commenceront à étudier ce soir. 
	 
	Tout est irritant dans ce dossier. La réforme, expliquent ses 
	défenseurs, donnera davantage de pouvoir aux parlementaires Pour cette 
	raison, elle serait donc démocratique. Est passée largement inaperçue, ce 
	qui n’est pas un hasard, cette interview au journal Sud-Ouest, ce dimanche, 
	du président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, où il proposait de 
	sanctionner financièrement les députés trop souvent absents. C’est, à ma 
	connaissance, la première fois qu’un président des députés parle ainsi de 
	ses collègues. D’habitude, le corporatisme l’emporte. Pour une fois, il 
	cède. Savez-vous pourquoi ? Parce que lui même, de son perchoir, semble 
	commencer à ressentir de la honte devant ces travées tout le temps vide, 
	sauf au moment des questions d’actualité. Rassurons les inquiets. 
	L’interview a fait flop. Trop incongrue, certainement.  
	 
	Que voulez-vous, représenter le peuple, en France, n’est pas un job à 
	plein temps. Figurez-vous que l’on peut faire autre chose à côté. Et 
	surtout, aucune obligation d’assiduité. Représenter le peuple peut se faire 
	par intermittence, en dilettante. Belle culture politique, en vérité. On 
	peut comprendre, dès lors, que donner davantage de pouvoir à des 
	parlementaires sans commencer à s’assurer de la régularité de leur présence, 
	c’est largement faire les choses à l’envers.  
	 
	Par ailleurs, cette réforme institutionnelle prévoit que le président de 
	la République pourra s’exprimer devant les parlementaires. Les gazettes, 
	ce matin, sont remplies de l’argument sarkozyste: tous les chefs d’Etat 
	étrangers de passage en France peuvent s’exprimer devant les députés et pas 
	l’élu de la Nation. Situation anormale à laquelle il convient de remédier. 
	 
	Ce faux bon sens est acheté les yeux fermés par les amateurs de faux 
	bon sens. Un président de passage en France vient tenir des propos gentils 
	devant des parlementaires qui l’écoutent poliment. On appelle cela de la 
	diplomatie. Un président français qui viendrait devant le parlement français 
	tiendrait des propos sur la politique française. D’une part, il ne serait 
	pas écouté poliment car il n’est pas un monarque des âges passés. D’autre 
	part, il ne pourrait pas lui être répondu parce que l’élu du suffrage 
	universel ne peut être désavoué par la représentation parlementaire. En 
	clair, cet aspect de la révision constitutionnelle est une bouffonnerie qui 
	sera sans doute votée par des députés qui pensent à autre chose, 
	c’est-à-dire à leur deuxième vie professionnelle.  
	La contradiction existentielle de la politique se trouve là. Elle 
	est, à l’évidence, une activité sérieuse puisqu’elle définit le cadre de la 
	vie collective, ainsi que les valeurs qui l’expriment. Mais en même temps, 
	elle n’est pas exercée de manière sérieuse, ballottée par des considérations 
	opportunistes, allégée par l’oubli des principes et d’un certain code moral 
	sans lequel, c’est l’évidence, il ne peut y avoir de véritable respect. 
	 
	Jean-Michel Aphatie 
	 
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