Le parti socialiste 
	court à la catastrophe 
	 
	Ségolène Royal était l’invitée de RTL, ce matin, à 7h 50. 
	 
	Son message était simple, ce matin. Elle souhaitait que Martine Aubry 
	remonte le temps de l’histoire socialiste, qu’elle en revienne à ce point 
	manqué de leur congrès de Reims où l’alliance entre elles et leurs blocs 
	respectifs n’avait pu se faire et que la toute nouvelle direction du PS, à 
	peine constituée, soit à nouveau remise en chantier pour intégrer ses 
	partisans. 
	 
	Voeu pieux, bien sûr. Ségolène Royal ne se berce d’aucune illusion. Les 
	ressentiments personnels entre elle et Martine Aubry sont trop forts pour 
	imaginer un travail commun. Par ailleurs, la nouvelle première secrétaire du 
	PS est redevable à trop de personnes, de courants, de sensibilités, pour 
	détricoter aussitôt la direction qu’elle a composée et qui n’est que 
	l’expression de l’attelage baroque qui la soutient.
	Un exemple ? Dès dimanche, le nouveau porte-parole du parti socialiste, 
	Benoît Hamon, a déclaré ceci: « Il faut rétablir une forme d’autorisation 
	administrative de licenciement pour les licenciements boursiers afin 
	d’empêcher cette casse de l’emploi telle qu’elle s’opère aujourd’hui. » 
	 
	En parlant ainsi, le porte-parole du PS exprime-t-il vraiment les projets de 
	la majorité qui dirige aujourd’hui ce parti ? Les amis de Dominique 
	Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Bertrand Delanoë, Martine Aubry elle même, 
	partagent-ils cette volonté de réguler et de contrôler les licenciements en 
	France ? 
	 
	La phrase prononcée par Benoît Hamon est intéressante. Elle dit une primauté 
	de l’appareil d’Etat, censé représenter l’intérêt général, sur les acteurs 
	de l’économie, réputés plus égoïstes. Elle dévoile une méfiance forte 
	vis-à-vis des mécanismes de marché et tend à une administration accrue de 
	l’économie, le palier suivant étant constitué par la nationalisation des 
	entreprises, ou de certaines d’entre elles. 
	 
	Quoi qu’elle en dise, la gauche française n’a jamais tranché ce débat. 
	Chacun sent bien, davantage qu’il ne le sait, que la plupart des 
	responsables du parti socialiste ont rompu avec ces idées-là. Mais on peut 
	aussi constater que ces mêmes responsables socialistes entretiennent 
	toujours une ambiguïté en formulant des critiques vagues et générales à 
	propos du capitalisme, du marché, et de tout ce qui représente l’ordre 
	économique. On a compris, qu’au pouvoir, les socialistes français sont 
	libéraux. Mais on remarque que dans l’opposition, ils ne le sont pas. Que 
	sont-ils ? On ne le sait pas. Ils se gardent bien de le dire franchement. 
  
	Dans ce débat, Benoît Hamon est plus franc du collier que la plupart de 
	ses collègues. Il penche davantage du côté d’Olivier Besancenot que de celui 
	de Michel Rocard. C’est en cela que son propos est intéressant. Peut-il 
	forcer Martine Aubry et ceux qui la soutiennent à sortir de leur discours en 
	trompe l’œil ? Sans doute pas pour cette seule raison qu’un discours clair 
	pourrait faire éclater la majorité biscornue qui dirige aujourd’hui le parti 
	socialiste. 
	 
	Tout cela témoigne de l’extrême profondeur du malaise dans lequel se trouve 
	ce courant de pensée dont le potentiel demeure toujours important dans 
	l’électorat de la démocratie française. Et il faut inclure dans ce malaise 
	aussi bien Martine Aubry que Ségolène Royal. Des règles archaïques de 
	fonctionnement et de dévolution de pouvoir ne permettent pas aux socialistes 
	français de se pencher sérieusement sur leur identité. Leur manque de 
	courage face à cette épreuve intellectuelle fait le reste. Toute l’énergie 
	collective de ce parti se concentre sur des jeux d’appareil, soutenus par 
	des discours abscons où la rhétorique fait office d’argument et la 
	généralité de proposition. 
	 
	Ainsi armé et désarmé, ce parti court à la catastrophe, c’est-à-dire soit à 
	la défaite électorale, soit à la déception immense si une conjonction 
	historique largement indépendante de sa volonté lui donnait un jour le 
	pouvoir.  
	 
	J’ai cité une phrase de Bertrand Delanoë, à la fin de l’interview de 
	Ségolène Royal, retenue par le jury de l’humour en politique : « Le vrai 
	changement au PS, ce serait de gagner. » Si la phrase est juste, et drôle, 
	elle est aussi profonde au sens où la première victoire des socialistes doit 
	être remportés sur eux-mêmes. Qu’ils définissent donc clairement et 
	honnêtement leur identité, qu’ils disent enfin ce qu’ils sont, simplement, 
	franchement, et peut-être alors cette première victoire en amènera d’autres.
	 
	Jean-Michel Aphatie 
	 
	 
	
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