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	 Non-assistance à pays en danger ! 
	 
	Le Liban se déchire, à nouveau. Dans ce domino sans cesse instable du 
	Proche-Orient, les nouveaux soubresauts du pays du Cèdre inquiètent le monde 
	entier. Entre Hezbollah et Hamas, l’Iran, pourtant faible à l’intérieur, ne 
	cesse d’avancer ses pions. Du coup, Israël, affaibli lui aussi à l’intérieur 
	par l’impéritie chronique de ses dirigeants politiques, s’inquiète d’un 
	futur sombre. Et avec lui, l’Occident tout entier qui sent filer entre ses 
	doigts l’écriture d’une histoire qu’il a si longtemps maîtrisée. Ainsi, de 
	cercles en cercles, les désordres du monde nourrissent et prolongent une 
	crise de confiance d’une rare intensité, dont rend compte la courbe 
	ascendante du prix du pétrole. 
	 
	Bientôt, très vite, chaque pays devra intégrer ces tourments dans sa 
	stratégie. Le nôtre, qui semble si souvent vivre hors du temps, en est 
	encore à ses rêveries. Nous écoutons avec une complaisance qui finira par 
	devenir coupable les discours de réformette du pouvoir et ceux remplis de 
	promesses de l’opposition. Et les syndicats participent à la danse en 
	programmant, les unes derrière les autres, les manifestations d’un printemps 
	aux chaudes températures. 
	 
	Il ne faut pourtant pas des hectolitres de lucidité pour évaluer les périls 
	qui nous menacent. La crise énergétique qui s’installe menace de gripper 
	lourdement l’économie du monde. La France, irréaliste et rêveuse, risque de 
	se trouver fort démunie face au danger. Le voile savamment tendu pour 
	dissimuler les conséquences du déficit chronique de ses finances publiques 
	pourrait se déchirer à la première alerte. Le moindre grain de sable dans la 
	machine rendrait problématique le financement d’un Etat surdimensionné, d’un 
	système social aux équilibres définis dans une économie de croissance, sans 
	compter les promesses accumulées, RSA, porte-avions, hôpitaux, retraites, 
	etc. 
	 
	Ne pas informer un peuple des périls qui menacent pourrait être qualifié de 
	non assistance politique à une communauté en danger. Mais nous sommes 
	tellement habitués, sous ces cieux cléments, à la médiocrité du discours 
	public qu’il se trouve peu de responsables pour imaginer que dire la vérité, 
	préparer les esprits, anticiper les évolutions, ressort de l’ordinaire de 
	l’action publique et non pas de son extraordinaire. 
	 
	Ce que nous préférons, ce sont encore et toujours les belles histoires de la 
	politique comme seule la France sait en produire. Dans nulle autre 
	démocratie comparable à ce que nous sommes, on ne pourrait imaginer un 
	face-à-face entre l’animateur le plus populaire de la télévision française 
	et un représentant au visage avenant du trotskisme, variété intellectuelle 
	née en Russie dans un siècle qui n’est déjà plus le nôtre.
	Cette rencontre, diffusée hier à l’heure du thé sur une chaîne de service 
	public, dit bien l’état de rêverie dans lequel nous vivons. Croire et mettre 
	en scène des artifices ne peut être que le préalable à des désillusions 
	cruelles et douloureuses. 
	 
	Jean-Michel Aphatie 
	 
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