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	 La France vacille sous la dette 
	 
	Ce sera la nouvelle de la semaine. Le président en a parlé lundi, devant 
	le Congrés , le premier ministre l’a confirmé hier. Un emprunt sera lancé, 
	un grand emprunt, un emprunt national et patriotique, pour financer des 
	priorités nationales, ainsi égrenées par le premier ministre, hier soir, sur 
	France 2 : « Il s’agit d’investir massivement dans des secteurs porteurs 
	d’avenir (...) les biotechnologies, l’énergie du futur, les voitures 
	électriques, un certain nombre de secteurs dans le domaine alimentaire ou la 
	santé, l’éducation en général, l’enseignement supérieur et la recherche. » 
	 
	Le montant de cet emprunt n’est pas dévoilé. Un chiffre circule cependant, 
	qui doit être compris comme un ordre de grandeur, entre 80 et 100 milliards 
	d’euros. Cet emprunt, selon toujours le premier ministre, serait pour partie 
	proposé aux Français afin de les associer à ce qui pourrait être présenté 
	comme un effort national pour à la fois sortir de la crise et préparer 
	l’avenir. « Pas un euro de cet emprunt, a encore dit François Fillon, ne 
	sera utilisé pour des dépenses non prioritaires. » 
	 
	On peut à l’infini faire des reproches et des critiques. A l’évidence, ce 
	projet en mérite. Laissons, ce matin, à d’autres le soin d’y procéder. 
	Evoquons plutôt la situation dans laquelle nous sommes par des petits faits 
	qui permettent de saisir le contexte dans lequel pourrait s’effectuer ce 
	grand emprunt national. 
	 
	Il y a d’abord l’aveu que l’Etat ne peut plus financer ce qui relève de sa 
	responsabilité sans recourir à un endettement spécifique. La citation du 
	premier ministre est sans ambiguïté sur ce point : les besoins de 
	l’enseignement supérieur, de la recherche, ne peuvent plus être financés que 
	par un endettement spécifique, celui qui serait lié à un nouvel emprunt. 
	Cela veut dire que l’endettement courant, celui qui est opéré tous les jours 
	sur les marchés financiers, ne sert plus qu’à financer les déficits courants 
	et ordinaires, que nous sommes maintenant devant une catégorie particulière 
	d’emprunt, l’emprunt extraordinaire qui finance l’avenir, l’emprunt 
	ordinaire finançant le passé. Il s’agit là d’une manifestation spectaculaire 
	des effets de la crise, incarnée par ce que la Cour des comptes et son 
	premier président, Philippe Séguin, ont évoqué mardi dernier en employant 
	notamment cette expression : « Nous sommes devant un risque d’emballement de 
	la dette ». 
	 
	Quelques chiffres permettent de fixer les idées. Le déficit budgétaire 
	prévisible pour 2009 est de 150 milliards d’euros. Il devrait en aller de 
	même pour 2010. Selon plusieurs économistes, il s’agit là d’hypothèses 
	réalistes, ou basses. Ainsi, l’endettement public pourrait progresser de 300 
	milliards d’euros en deux ans. Il faut y ajouter la perspective de 
	l’emprunt, dont l’ordre de grandeur est de 100 milliards d’euros. Ainsi en 
	seulement deux années, la France pourrait accroître son endettement de 400 
	milliards d’euros. Ce chiffre ne prend sa signification que si on le 
	confronte à la totalité de l’endettement accumulé en France depuis trente 
	ans. A la fin 2008, selon la Cour des comptes, il était légèrement supérieur 
	à 1400 milliards d’euros. On comprend donc qu’en deux ans, 2009 et 2010, 
	l’escalade est proprement vertigineuse. 
	 
	La Cour des comptes, toujours, indique que pour l’année 2008, la charge de 
	la dette, c’est-à-dire les intérêts acquittés par l’Etat français auprès des 
	emprunteurs, s’est élevée à 54 milliards d’euros, davantage que le produit 
	de l’impôt sur le revenu. Si dans les deux années qui viennent la dette 
	s’alourdit dans les proportions évoquées plus haut, la charge de la dette, 
	encore une évaluation de la Cour des comptes, pourrait avoisiner les 80 
	milliards d’euros. En tout état de cause, ce poste budgétaire là, le 
	remboursement des intérêts des emprunts contractés, deviendra, et demeurera 
	longtemps, le premier poste budgétaire en France. 
	 
	Voilà ce qui identifie parfaitement l’impact et les conséquences de la crise 
	économique terrible que nous traversons. A la vérité, pas grand monde 
	aujourd’hui ne paraît posséder les recettes et les solutions pour faire face 
	à la situation. Pour s’en tenir aux seuls faits, l’évidence commence à 
	s’imposer que la France fait face actuellement à une explosion de sa dette 
	publique, que cela a des conséquences, bénéfiques pour certaines, 
	pénalisantes pour d’autres, en tout état de cause terriblement fragilisantes 
	pour la cohésion nationale.  
	Jean-Michel Aphatie  
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