Jean- Michel Aphatie :  
	« On ne peut pas vouloir  l’Europe et la refuser 
	! » 
	 
	Sur son blog (https://blogs.rtl.fr/aphatie/), en date du 30 
	janvier 2008, Jean-Michel Aphatie fustige à juste titre - à propos de la 
	Société générale mais cela vaut pour bien d’autres domaines, et notamment 
	pour celui de la protection sociale - l’inconséquence 
	des politiciens français qui plaident tous les jours pour l’Europe et 
	refusent d’appliquer les dispositions communautaires que la France a 
	pourtant votées.  
	Voici son article : 
	               
	La France, la banque et la faille 
  
	La Société générale va mal, très mal, et donc son titre grimpe en Bourse. 
	Plus 11% hier. Étonnant, non ? 
	 
	En fait, non. Les opérateurs ont déjà un coup d'avance. Affaiblie, mais 
	potentiellement pleine de ressources, la Société générale pourrait bientôt 
	être achetée. C'est d'ailleurs dans cette perspective que François Fillon 
	est intervenu hier, à l'Assemblée nationale. Bien décidé à tracer le 
	périmètre de ce prochain épisode, le premier ministre a déclaré: "Il faut 
	que la Société générale reste une grande banque française." 
	 
	L'extraordinaire tempête déclenchée par le trader Kerviel n'aura donc pas 
	été inutile. Voilà un gouvernement et plus largement des élites qui plaident 
	tous les jours auprès des citoyens de ce pays les bienfaits de l'Europe, les 
	nécessités de l'Europe, l'intérêt philosophique, stratégique, historique, de 
	la construction européenne. Et sitôt que pointe un problème, le réflexe, 
	donc la nature, la vérité cachée par le vernis, surgit: la solution doit 
	être française, la réponse française, la banque française.  
	 
	Imaginons qu'une banque espagnole, italienne ou allemande veuille acheter la 
	Société générale. Elles existent, chacun les connaît, et de plus leurs 
	complémentarités avec la Société générale ont déjà été souvent évoquées. Que 
	dira alors le gouvernement ? Non, pas vous, parce que vous n'êtes pas 
	française. Quel est le contraire de Français ? Étranger. Tout ce qui n'est 
	pas français est étranger, et donc ce qui est européen est aussi étranger. 
	 
	Le discours public ne peut inspirer la confiance que s'il porte en lui un 
	haut niveau de cohérence. Il y a bientôt vingt ans, les gouvernants français 
	ont conçu le projet d'une monnaie commune, et de fait unique, avec d'autres 
	pays. Il n'existe pas, dans la hiérarchie des symboles et des outils, 
	d'instrument supérieur à la monnaie dans l'expression de la souveraineté. 
	Abandonner la monnaie nationale, la fondre dans un espace plus vaste que 
	celui de la Nation, n'a de sens que si, ensuite, dans la vie de tous les 
	jours comme dans les discours des grands jours, la référence à la Nation 
	intègre ce changement majeur. Être Français aujourd'hui a du sens et une 
	signification. C'est une culture, une manière d'être, tout cela façonné par 
	une histoire, une longue et belle histoire. Mais déjà, le futur doit se 
	penser différemment pour tenir compte de cette décision si importante qui a 
	engagé la communauté, une décision prise par la communauté elle même, en 
	1992, au travers d'un référendum, l'acte politique assurément le plus 
	important dans la vie de ce peuple durant ces cinquante dernières années. 
	 
	Or, qu'a-t-on vu hier ? Que le futur pouvait se penser selon l'ancien 
	schéma, puisque la banque doit rester française. Pourquoi pas ? Mais alors, 
	quelle est la sincérité, le degré d'adhésion réel des gouvernants vis-à-vis 
	de l'Europe et de son expression monétaire, c'est-à-dire l'euro? Et si eux 
	n'y croient pas, comment veulent-ils que les citoyens, le peuple, y croient 
	? 
	 
	L'expression de "double discours" est souvent employée, à propos de beaucoup 
	de choses et finalement de pas grand chose. Si elle trouve à s'exprimer, 
	c'est pourtant bien ici. Il existe, dans cette matière fondamentale de la 
	monnaie, deux discours. Existe-t-il beaucoup de choses plus fragiles que la 
	monnaie? Son essence et son existence procèdent de la confiance, et d'elle 
	seule. 
	 
	Hier après-midi, à l'Assemblée nationale, alors qu'il ne s'agissait que de 
	l'avenir d'une banque, le chef du gouvernement français a bien dit quelque 
	chose d'important et de fondamental sur ce projet politique que nous 
	poursuivons depuis des années et qui apparaît tout à coup comme une chimère 
	puisque ceux là mêmes qui disent vouloir le construire s'en détournent dans 
	un réflexe révélateur de la distance abyssale qui sépare la parole de la 
	pensée. 
	 
	A ceux qui cherchent la faille de la politique et les raisons de son rejet, 
	ceci : elle est là.  
	 
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